A l’heure où la loi El-Khomri est encore à l’étude au Sénat, pour un débat en séance prévu le 12 juin prochain, avant présentation à l’assemblée nationale fin juin/début juillet et pour une adoption définitive courant juillet 2016,
Talent in Sight vous propose une revue des principales modifications prévues par ce texte de loi qui devrait impacter fortement le Code du Travail et qui a d’ores et déjà fait couler beaucoup d’encre.
1 – La durée de travail
Le projet de loi El-Khomri prévoit d’augmenter le plafond des durées de travail maximales par jour et par semaine. Ainsi, la durée maximale de travail passerait de 10 à 12 heures par jour dans le cadre d’un accord collectif et dans la mesure où l’activité de l’entreprise augmenterait ou pour des motifs d’organisation. De la même manière, la durée maximale de travail hebdomadaire passerait de 48 à 60 heures. Cette nouvelle durée maximale ne pouvant être appliquée que ponctuellement dans le cadre de « circonstances exceptionnelles » propres à l’entreprise.
2 – L'article 2
Il s’agit là de l’article le plus controversé, notamment par les syndicats, qui demandent pour certains le retrait complet de l’article. Il prévoit qu'un accord négocié au sein d’une entreprise en matière de temps de travail (accord d'entreprise) puisse remplacer les dispositions d'un accord de branche, même si celles-ci sont plus avantageuses pour les salariés.
3 – Les « accords offensifs »
Nous connaissons « l’accord défensif » - aussi appelé « accord de maintien dans l’emploi » - qui permet à une entreprise en difficulté de modifier les salaires ou le temps de travail.
La loi El-Khomri propose elle, « l’accord offensif » qui pourrait être mis en place dans le cadre d’un développement de l’entreprise (nouveaux marchés, nouveaux contrats…) pour une durée maximale de 2 ans et qui permettrait de faire travailler d’avantage ses salariés afin de pallier à ces nouveaux besoins de développement.
Si toutefois un salarié refusait cet accord, il pourra être licencié économique (et non pour motif personnel comme prévu par le projet de loi initial) et bénéficiera d’un accompagnement personnalisé de Pôle Emploi, cofinancé par l’employeur.
4 - Les 35 heures
Les PME/PMI de moins de 50 salariés pourront déroger aux 35 heures et proposer un forfait jour à leurs salariés sans accord collectif.
5 – Le référendum
La loi El-Khomri prévoit que les accords d’entreprise soient désormais validés par majorité, c’est-à-dire par des organisations syndicales représentant au moins 50 % des salariés.
Par ailleurs, un référendum d’entreprise pourra être mis en place sous demande des syndicats représentant moins de 30 % des salariés. L’accord d’entreprise pourra être validé s’il est approuvé par la moitié des votes des salariés. Les syndicats ne pourront alors pas s’y opposer, même s’ils sont majoritaires. Une façon de redonner le pouvoir aux salariés.
6 – Les heures supplémentaires
La rémunération des heures supplémentaires restera majorée de 25% pour les huit premières heures et de 50% pour les heures suivantes.
Toutefois, alors qu’aujourd’hui une majoration de seulement 10% des heures supplémentaires est envisageable par accord collectif uniquement si un accord de branche ne s’y oppose pas, le projet de loi El-Khomri prévoit d’assouplir les règles et d’autoriser une diminution de la majoration par le biais d’un accord collectif, même si un accord de branche s’y oppose. L’accord collectif prévaudra donc sur l’accord de branche.
7 – Le licenciement économique
Le projet de loi précise les motifs pour la mise en oeuvre d’un licenciement économique en fonction de la taille des entreprises en difficulté :
- Entreprises de moins de 11 salariés : un trimestre de baisse du chiffre d'affaires ou des commandes,
- Entreprises entre 11 et 49 salariés : 2 trimestres de baisse du chiffre d'affaires ou des commandes,
- Entreprises entre 50 et 299 salariés : 3 trimestres de baisse du chiffre d'affaires ou des commandes,
- Entreprises de 300 salariés ou plus : 4 trimestres de baisse du chiffre d'affaires ou des commandes.
Cette définition plus précise a le mérite de réduire les possibilités d’interprétation des tribunaux quant aux motifs économiques avancés par les entreprises pour justifier leurs licenciements.
8 – Les indemnités prudhommales
Désormais, les indemnités accordées par les prud’hommes dans le cadre de licenciements abusifs se verront plafonnées et harmonisées selon un barème bien défini. Ces plafonds seront déterminés selon le modèle du calcul des indemnités légales de licenciement en fonction de l‘ancienneté.
Ceci était vrai dans le projet de loi initial. Aujourd’hui, le barème des indemnités prudhommales ne devrait finalement pas être obligatoire, mais uniquement indicatif pour les conseils de prud’hommes lors de licenciements abusifs.
9 – La visite médicale d’embauche
Finie la bonne vieille visite médicale avec son verdict « apte » ou « inapte » à exercer telle ou telle activité professionnelle.
Le nouveau texte de loi prévoit pour la plupart des salariés de remplacer cette visite médicale par une visite « d’information et de prévention » dispensée par un professionnel de santé au moment d’embauche.
Par contre, la visite médicale en bonne et due forme sera maintenue obligatoire pour les salariés exposés à des risques particuliers.
10 – La « garantie jeunes »
La « garantie jeunes » concerne les 18-25 ans en situation de décrochage. Elle leur permet d’être aidé par une mission locale pour trouver un travail tout en percevant une aide mensuelle.
La loi travail prévoit d’ouvrir les droits à la « garantie jeunes » à tous les jeunes remplissant les critères d’attribution, et ce au niveau national, et donc de ne plus passer par une commission qui effectuait une sélection parmi les dossiers de demande de « garantie jeunes ».
11 – Le Compte Personnel d’Activité (CPA)
Fruit de la loi Rebsamen d’août 2015, la loi El-Khomri précise les contours du compte personnel d’activité. Ce dernier regroupera ainsi : le compte personnel de formation (CPF), le compte de pénibilité et le futur compte d'engagement citoyen qui devrait permettre de cumuler des heures de formation sur la base du volontariat ou du bénévolat.
12 – Le bulletin de paie électronique
Actuellement, l'entreprise doit adresser une demande au salarié si elle souhaite recourir au bulletin de paie électronique.
Demain, le projet de loi El-Khomri autorisera les entreprises à transmettre à leurs salariés un bulletin de paie électronique sans demande préalable. Ce sera alors au salarié d’effectuer une demande pour conserver le bulletin de paie « papier ».
Les grèves et les manifestations courent toujours. Nul ne sait quelles seront les prochaines évolutions de ce projet de loi tant controversé. Seule l’échéance finale est connue, si tentée qu’elle ne soit à nouveau reportée…
Pour les plus curieux et les plus coriaces, Talent in Sight vous propose de télécharger le texte de loi dans son intégralité (588 pages). Bonne lecture !
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl3600.pdf.